Le PIMM ouvre t’il la porte d’un convergence des rémunérations des radiologues publics et privés ?
L’imagerie médicale est confrontée aujourd’hui à de forts enjeux médico-économiques. Dotée d’un volume financier conséquent (Près de 6 milliards d’euros de dépenses en 2015 – Rapport de la Cour des comptes 11 mai 2016 sur l’imagerie médicale (page52) ) elle souffre d’une désaffection ; non pas comme discipline classée comme une des spécialités médicales les plus attractives, mais pour sa pratique en milieu hospitalier.
Une radiologie publique délaissée au profit du secteur libéral et lucratif
Dans son rapport, la Cour des Comptes rappelle que les trois quarts des 8 558 médecins radiologues sont en exercice libéral ou mixte, et un quart seulement sont des praticiens hospitaliers. La proportion est de 60/40 pour les 700 médecins nucléaires au détriment du secteur public (données 2016).
Leur répartition géographique est aussi très inégale : les médecins radiologues libéraux étant proportionnellement plus nombreux dans les régions méridionales et à Paris, et les praticiens hospitaliers relativement concentrés en CHU/CHR (37,5 % des praticiens hospitaliers temps plein et la moitié des praticiens hospitaliers temps partiel).
Le secteur hospitalier public souffre ainsi de la vacance d’un très grand nombre de postes de praticiens dans la spécialité (près de 40 % des postes de PH temps plein sont vacants), et d’un taux de démission de loin le plus élevé de l’ensemble des spécialités médicales (39 % des causes de sortie définitive du corps en 2014 contre 14 %, toutes spécialités confondues).
Cet état de fait, que les acteurs expliquent notamment par un différentiel de rémunération important par rapport à l’exercice libéral et par les contraintes pesant sur l’exercice hospitalier (telles que la permanence des soins, mais également la lourdeur de son fonctionnement), désorganise sur de nombreux territoires les plateaux techniques d’imagerie médicale hospitalière.
Des conséquences médicales et financières lourdes pour les hôpitaux
La situation est telle que pour garantir la permanence des soins, les établissements publics de santé ont de plus en plus souvent recours aux services de sociétés de téléradiologie.
Certes, des coopérations avec le secteur libéral ont été mises en place et nombre de structures publiques ont délégué partie de leur activité au secteur libéral via des structures de coopération (GCS ou GIE) ou via la mise en place de contrats d’activité libéral.
Cependant, les libéraux se montrent aujourd’hui de plus en plus réticents à participer eux même à la couverture de la permanence des soins et préfèrent en laisser la responsabilité à des sociétés extérieures. Ces dernières étendent peu à peu leurs services et proposent d’intervenir aussi bien pour la permanence des soins que pour la continuité des soins.
La téléradiologie devient ainsi non plus un mode destiné à pallier des insuffisances ponctuelles mais un dispositif se substituant au service de radiologie des hôpitaux.
Outre que cette solution ne présente pas les garanties médicales nécessaires, elle est économiquement désastreuse.
L’imagerie médicale rémunérée soit à l’acte pour les patients externes soit via la tarification à l’activité autrefois génératrice de gains de productivité pour l’hôpital devient ainsi, au vu de ses charges croissantes, déficitaire pour beaucoup d’établissements et notamment les plus isolés. Avec les conséquences sur le budget H que l’on peut imaginer.
Il ne faudrait pas croire que cette situation bénéficie aux cabinets de radiologie libéraux des territoires ; Ils doivent désormais faire face également à une lente mais certaine désaffection des jeunes praticiens qui préfèrent des rémunérations conséquentes proposées par les Sociétés de téléradiologie plutôt que de s’associer dans des structures d’exercice et en supporter les contraintes.
Une solution : le Plateau d’Imagerie Médical Mutualisé (PIMM)
Face aux conséquences médicales et financières de cette situation et aux difficultés d’organisation notamment de permanence des soins, le législateur a créé par la loi du 26 janvier 2016 les Plateaux d’Imagerie Médicale Mutualisés (PIMM), avec pour objectif de mettre en place des organisations territoriales radiologiques : diagnostique et/ou interventionnelle, publique et/ou privée, sur site unique ou multi sites.
A quelques très rares exceptions près, les PIMM actuellement crées ou en cours de création ont pour support un ou plusieurs Groupements Hospitaliers de Territoire et/ou un CHU qui concentre les ressources médicales.
Ils proposent des consultations avancées dans les établissements en manque de ressources médicales et des postes attractifs en particulier pour des établissements isolés.
Ils permettent aux établissements membres du PIMM d’assurer si besoin un service de télé radiologie pour les périodes de carence en journée ou pour la permanence des soins en facturant cette prestation au coût réel.
Ces PIMM autorisent enfin à déroger au statut de praticien hospitalier et proposent un complément de rémunération.
Ces compléments de rémunération peuvent-ils cependant combler les écarts de rémunération entre secteur privé et secteur public ?
Mais quel est cet écart de rémunération entre le secteur public et le secteur libéral ?)
Il n’existe pas de « salaire moyen » pour les professionnels médicaux.
Dans le secteur libéral, la rémunération dépendante de la CCAM varie selon le volume d’activité, la spécialité, les équipements utilisés et selon les dépassements d’honoraires pratiqués par les praticiens.
Dans le secteur public, la rémunération dépend de l’ancienneté et non de la spécialité.
Bien souvent la rémunération proposée par le secteur public aux professions médicales est très en-deçà de celle du secteur libéral. Aussi, bien que le choix du statut hospitalier soit souvent un choix délibéré, la perspective d’une meilleure rémunération est parfois plus forte pour justifier de son abandon.
Ainsi plus la CCAM est favorable à la spécialité, plus le rendement est important et plus les écarts sont conséquents entre les deux statuts.
Même si on peut souligner les récentes avancées de la rémunération du secteur public avec le décret 2020-1182 du 28 septembre 2020 relatif à la modification de la grille des émoluments des praticiens hospitaliers à temps plein et des praticiens des hôpitaux à temps partiel paru en septembre 2020, l’écart reste significatif (Ce décret supprime les 3 premiers échelons de la grille des PH nommés après l’entrée en vigueur du texte et modifie la durée des 2 premiers échelons. Il précise l’impact pour les praticiens hospitaliers déjà nommés avant l’entrée en vigueur du décret. Le décret actualise en conséquence les références de la rémunération des praticiens contractuels).
Certes, il existe la possibilité d’avoir un statut mixte avec une activité de praticien hospitalier temps plein exerçant une activité libérale pour 20% de son temps (et 50% des actes) ou bien exerçant à temps partiel avec un complément d’activité libérale, mais l’écart reste entier.
Ce constat n’est pas propre à la radiologie mais concerne toutes les disciplines dont la rémunération moyenne en libéral est supérieure à celle proposée par les hôpitaux.
Pour la radiologie, le PIMM pourrait permettre de combler en tout ou partie cet écart et se montrer ainsi suffisamment attractif pour enrayer la fuite des jeunes ressources vers le secteur libéral.
Mais sur quelles bases ?
Comme le soulève la Cour des comptes dans son rapport de 2016, la connaissance des revenus des médecins radiologues reste très disparate selon qu’il s’agisse du secteur libéral où elle est très mal documentée ou du secteur hospitalier qui dispose d’informations plus précises.
Pour le secteur libéral :
A l’instar de la Cour des comptes, nous retiendrons, dans le secteur libéral, deux sources documentaires sur les revenus : les données de la DGFIP et les données publiées de la CARMF qui publie les revenus nets des médecins libéraux imposés en BNC.
- Les données de la DGFIP fixent à 129K€ pour 2013 (dernière source disponible) le revenu moyen des médecins radiologues avant impôts.
- Les dernières données publiées par la CARMF concernent l’exercice 2019 et sont réalisées à partir des déclarations enregistrées au 01/01/2021. Elles placent la radiologie au 11ème rang des professions médicales (BNC) avec un revenu moyen de 120,6 K€ avant impôts.
Nous ne retiendrons pas l’étude de la DREES produite en 2017 qui fixe le revenu libéral moyen à 201 K€ en 2015 (197K€ en secteur 1 et 221K€ en secteur 2), car contestée dès sa publication par la Fédération Nationale des Médecins Radiologues (depuis 1999, la FNMR demande une étude objective sur les charges et revenus des médecins radiologues libéraux. En 2007, un avenant à la convention médicale avait été signé pour conduire une telle étude, qui n’a, selon la FNMR, pas été menée.)
Comme le souligne à juste titre la FNMR, leurs conditions d’exercice de la radiologie justifient une méthodologie spécifique pour l’analyse des revenus et des charges de la spécialité. Il conviendrait ainsi de retenir la nature des investissements, l’ensemble de l’endettement, les résultats des sociétés d’exercice, etc.
Pour le secteur public :
Notons qu’à l’hôpital la rémunération brute totale (traitement et primes) des médecins radiologues PH temps plein est supérieure à la moyenne de l’ensemble des spécialités.
Les données du CNG produites dans le rapport de la Cour des comptes rapportent un salaire moyen brut des médecins radiologues dans les centres hospitaliers[1] de 96 K€ (88,2 K€ pour l’ensemble des PH temps plein) et de 121,4 K€ en fin de carrière (105,8 K€ pour l’ensemble des PH temps plein).
Ces montant intègrent les indemnités de permanence des soins estimées à 12,9 K€ en moyenne ainsi que les charges salariales. (Dans le rapport de la Cour des Comptes 2016, les statistiques du CNG englobent la médecine nucléaire. Celle-ci a toutefois un taux de vacance très inférieur : en 2014, pour un taux de vacances statutaires global de 39,4 %, celui de la discipline « radiodiagnostic et imagerie médicale » était de 40,9 %, et celui de la médecine nucléaire de 23,8 %.)
Soit globalement un salaire net moyen de radiologue évalué à 72 K€ (91 K€ en fin de carrière).
L’activité libérale des médecins radiologues hospitaliers vient abonder ces revenus. Toutefois, comme le souligne la Cour des comptes dans son rapport, cette activité touche une part minoritaire des médecins radiologues publics (39%) mais les trois quarts des médecins nucléaires.
En 2014, ces revenus supplémentaires sont estimés à près de 57 K€ hors redevance et avant imputation des charges sociales pour les radiologues. La Cour des comptes dans son rapport précise que l’abondement de revenus au titre de l’activité libérale pour les praticiens concernés est, en tout état de cause, substantiel, et il est particulièrement élevé pour les médecins nucléaires pour lesquels pour seulement deux demi-journées d’activité libérale par semaine, le revenu complémentaire s’établirait à 85 K€ hors cotisations sociales par praticien, soit un quasi-doublement du revenu tiré de l’activité hospitalière.
Ainsi si on considère l’ensemble de ces éléments de rémunération présentés ci-avant et avec les réserves liées à leur exploitation, on note un écart de rémunération entre le secteur libéral pur et le secteur hospitalier :
- De l’ordre de 48,6 K€ à 56,9 K€ annuels en moyenne avec une activité de PH hors exercice d’activité libéral
- De l’ordre de 28,6 k€ à 37 k€ annuels en moyenne avec une activité de PH avec exercice d’activité libéral
(Les éléments de rémunération sont présentés à titre indicatifs de référence sont à considérer avec précautions sachant qu’ils ne recouvrent pas tous les mêmes périmètres (radiologues dont médecins nucléaires pour le CNG) et faisant l’objet de réserves dans le rapport de la cour des comptes sur le nombre de praticiens retenus pour calculer les moyennes.)
L’écart étant particulièrement marqué en début de carrière.
Les récentes évolution de la grille indiciaire des praticiens hospitaliers vont diminuer cet écart mais le sujet reste posé au vu de la faille existante entre les deux statuts.
Au vu de ces constats, sur quelle base verser un complément de rémunération ?
La nouveauté du PIMM et l’absence de règles régissant le versement de ce complément permettant de venir diminuer l’écart entre le statut hospitalier public et le statut libéral laissent toute liberté dans le choix du complément versé.
Les premiers modèles, après s’être assurés de la faisabilité économique du PIMM et mesurer les marges dégagées par la mise en commun des moyens proposent des compléments de rémunération versés sur des critères de performance et de qualité.
Il conviendra de veiller à l’homogénéité des modèles proposés afin de ne pas créer de disparités entre les établissements.
Pour conclure, le PIMM permet de réguler et de proposer des postes plus attractifs au jeunes et moins jeunes radiologues dans un environnement de travail plus intéressant au vu de la diversité de l’activité.
Le complément de rémunération proposé devra faire l’objet de calculs précis et propres à chaque PIMM, basés sur le volume, l’activité et les contraintes liées à chaque situation, pour favoriser la convergence des rémunérations et peut-être ouvrir la voie d’une réforme plus globale de la rémunération des médecins tendant à une meilleure équité entre disciplines médicales équivalentes.